Entrée de "iel" au dictionnaire : quelles en sont les conséquences ?
Dernière mise à jour : 31 janv. 2022
Le pronom neutre "iel" et ses dérivés ont fait une entrée remarquée dans Le Robert en ligne. Tantôt applaudie par les personnes militantes, tantôt décriée par les responsables politiques, cette décision montre notre attachement à la langue française qui fait partie intégrante de notre identité. Concrètement, quelles sont les implications de l'écriture inclusive ?

L'écriture inclusive, un outil intéressant pour vos communications
Vous souhaitez vendre vos produits ou vos services et vous êtes sur le point de lancer une vaste campagne publicitaire. En toute logique, vous devrez vous demander quelles seront les cibles de votre campagne. Afin de toucher le plus grand nombre, vous pourriez envisager d'employer l'écriture inclusive. À l'inverse, si vous savez que votre clientèle est plutôt conservatrice, vous pourriez décider d'écrire de façon conventionnelle. Vous êtes maître de votre communication et la personne qui traduira votre campagne devra respecter vos choix. En conséquence, faites part de vos souhaits au moment de réaliser votre traduction et assurez-vous que votre traducteur ou votre traductrice sera en mesure de vous offrir un service qui respectera les objectifs de votre campagne publicitaire. En effet, tous les traducteurs ne sont pas formés à l'écriture inclusive, à ses différentes formes et à ses règles parfois capilotractées.
Il n'y a pas que dans les pays francophones que l'écriture inclusive suscite le débat. Dans un monde toujours plus interconnecté, il est logique que les langues s'inspirent les unes des autres quand il s'agit de se réinventer afin d'exprimer des idées. Ainsi, de nombreuses langues ont élaboré un système permettant de rendre visibles des personnes qui ne l'étaient pas auparavant. Dès lors, peu importe la langue dans laquelle vous souhaitez faire traduire vos documents, il peut être intéressant de faire appel à une personne qui maîtrise les codes de la langue inclusive.
Une évolution de la langue à suivre pour les traducteurs et les traductrices
Imaginons que vous deviez subir une procédure médicale invasive. Vous souhaiterez probablement obtenir les services d'un chirurgien ou d'une chirurgienne qui connaît les nouvelles procédures afin de vous proposer la moins risquée et la plus efficace. Les évolutions de la langue française méritent l'attention des traducteurs et des traductrices puisque le français constitue notre outil de travail. Que nous soyons d'accord avec ces changements ou non, nous devons pouvoir répondre aux souhaits de notre clientèle (et la respecter). Après tout, la traduction la plus réussie est celle où la personne qui a traduit n'a laissé aucune trace de son passage. Ses opinions ne doivent donc pas nuire à la qualité de ses services.
Il est alors nécessaire de s'adapter aux besoins de la clientèle. Si elle souhaite une traduction inclusive, il faut pouvoir la fournir. Si, à l'inverse, elle préfère s'en tenir à une forme d'écriture conventionnelle, son choix doit être respecté.
Pourquoi ce pronom suscite-t-il tant de passion?
Et bien sans doute car la langue française fait partie de notre identité de francophones. Toutes les interventions visant à la modifier se heurtent à une levée de boucliers. Pourtant, si beaucoup de francophones revendiquent le fait que le pronom "iel" n'est pas reconnu par l'Académie française, institution qui fait autorité quoique critiquable à bien des égards, j'imagine mal ces mêmes personnes utiliser le mot "bouteur" à la place de bulldozer. L'Académie a bien tenté de l'imposer pourtant...sans succès.
L'emploi du pronom "iel" n'est pas obligatoire, mais est-il opportun de l'interdire ? Le pronom n'a rien d'offensant et par conséquent, il n'existe aucune base juridique pour l'interdire ou sanctionner son usage. À l'inverse, le droit garantit la liberté d'opinion des individus et c'est sur cette base juridique, qui est d'ailleurs inscrite dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que je vais m'appuyer pour plaider en faveur de ce nouveau mot. Puisque chacun d'entre nous est libre de ses opinions, il apparaît alors logique que chaque personne puisse employer la langue de façon à défendre une vision du monde qui correspond à ses idées. Si une personne pense que les minorités sont sous-représentées dans l'espace public et qu'il est de son devoir moral de les rendre visibles, elle a le droit de faire correspondre sa langue à sa vision du monde. Il en va de sa liberté d'opinion. On a bien sûr le droit de ne pas être d'accord. Toutefois, le droit interdit de tenir des propos discriminants à l'égard des minorités (art. 2 du Traité sur l'Union européenne).
C'est bien beau tout ça, mais ça s'accorde comment ?
Vous pouvez le trouver sous la forme "iel", "ielle", "iels" et "ielles", les deux premiers correspondent au singulier neutre, tandis que les deux derniers correspondent au pluriel neutre. Il n'est donc pas question de "iel" et "iels" au masculin et de "ielle" et "ielles" au féminin, comme on a pu le lire dernièrement. Il s'agit simplement de deux variantes au singulier et de deux variantes au pluriel du même pronom. Toutes ces variantes sont toutefois bien neutres.
Quant à l'accord des adjectifs et des participes passés, il faudra faire un choix. Soit vous emploierez des adjectifs dits "épicènes", c'est-à-dire qu'ils ne changent pas de forme au masculin ou au féminin, soit vous devrez écrire toutes les formes en employant des parenthèses, des points médians, des majuscules intermédiaires ou la concaténation des deux formes.
exemples:
Il est beau et elle est belle = iel est à croquer
Il est gentil et elle est gentille = iel est gentil(le) = iel est gentil·le
Ils sont ravissants et elles sont ravissantes = iels sont ravissantEs
Les auditeurs et les auditrices = les auditeurices = les auditeurs/auditrices
"iel", un pronom qui a sa place dans Le Robert
" La mission du Robert est d’observer l’évolution d’une langue française en mouvement, diverse, et d’en rendre compte. Définir les mots qui disent le monde, c’est aider à mieux le comprendre " Charles Bimbenet, directeur général du Robert
Qu'on le veuille ou non, le pronom neutre est de plus en plus utilisé et un bon dictionnaire doit fournir la signification d'un maximum de mots. Libre ensuite à chacun et à chacune de choisir d'employer ce mot, ou non. Tandis que l'Académie française défend une approche normative de la langue, les dictionnaires adoptent une approche descriptiviste. Plus que de valider l'apparition de ce pronom, il est surtout question de le comprendre afin de pouvoir l'utiliser, ou non, en fonction de ses convictions personnelles.
Le dictionnaire explicatif est un outil essentiel pour toute une série de professions. L'entrée du pronom "iel" dans Le Robert permettra aux personnes qui les exercent d'obtenir une définition fiable et d'apprendre à utiliser "iel" à bon escient. Grâce à cet ajout, Le Robert se révèle ainsi plus efficace que la concurrence pour toutes les personnes qui s'interrogeraient quant au contexte dans lequel ce pronom est employé.
Et puis, finalement, c'est aussi un bon moyen de se débarrasser de ses voyelles au Scrabble.