Oc ou oïl, la bataille linguistique qui a déchiré la France
Dernière mise à jour : 12 avr. 2021
Peut-être parlez-vous une langue minoritaire. Vous les avez peut-être entendues dans la bouche de vos grands-parents. Parfois plus anciennes que la langue française elle-même, les langues minoritaires sont un véritable atout culturel. Partons pour un petit tour d'horizon de notre patrimoine linguistique, car aujourd'hui, je vais vous expliquer comment est apparue la langue française et pourquoi les régionalismes devraient être protégés.

De la langue d'oïl à notre français moderne
Le français est une langue latine ce qui signifie qu'elle est dérivée du latin, tout comme l'italien, le portugais, l'espagnol et le roumain. Toutefois, la langue de Molière n'est pas apparue soudainement en France. Elle est le fruit d'une lente évolution qui a commencé avec le vulgal, une sorte de dialecte latin parlé par le peuple. Cette langue n'était toutefois pas codifiée et elle était parlée différemment d'une région à l'autre. Progressivement, les différents dialectes du vulgal se sont influencés pour former deux groupes principaux : les langues d'oc et les langues d'oïl (oc et oïl n'étant que deux façons différentes de dire "oui"). Les langues du nord sont plus proches des langues germaniques et celtiques en raison de leur proximité géographique, tandis que les langues du sud restent plus proches du latin pour la même raison.
Au XIIe siècle, on parlera du roman pour désigner la langue parlée par le roi de France et ses variantes, mais cette appellation prête à confusion, car elle désigne aussi l'ensemble des langues dérivées du latin, les langues romanes. Le terme françois (à prononcer [francwé]) supplantera le terme roman tandis que le roi de France imposera la langue d'oïl, sa langue donc, sur l'ensemble du territoire français. Le vieux français évoluera pour devenir la langue que nous connaissons aujourd'hui, le français moderne.
Une diversité linguistique mise à mal
Comme nous l'avons vu, la langue d'oïl était elle-même composée des différentes variantes et parler le français moderne ne garantit pas de comprendre les variantes régionales encore présentes de nos jours. Je vous propose une petite liste pour vous montrer ce que le groupe des langues d'oïl englobe : - Île-de-France et ses environs : le francien
- à l'est : le bourguignon-morvandiau, le champenois et le lorrain ;
- au nord : le wallon et le picard ;
- au nord-ouest : le normand (qui donnera naissance au français anglo-normand) ;
- à l'ouest : le gallo, l'angevin, le tourangeau, le manceau, le mayennais, le percheron ;
- au sud-est : le franc-comtois ;
- au sud : le poitevin-saintongeais ;
- au sud-ouest : le berrichon qui comprend aussi le bourbonnais.
La langue d'oc perdra finalement la bataille, mais elle n'a pas disparu pour autant. Elle est toujours parlée dans le sud de la France et regroupe une série de variantes :
- l'auvergnat
- le gascon
- le languedocien
- le limousin
- le provençal
- le vivaro-alpin
La langue d'oc ou occitan a pourtant failli s'imposer grâce aux troubadours qui écrivaient leurs chansons dans cette langue et qui l'ont popularisée dans toutes les cours d'Europe. Elle sera même une langue scientifique puisque de nombreux traités relatifs à la médecine ou aux mathématiques seront écrits en occitan. Malgré la volonté des rois de France d'imposer la langue régionale d'Île-de-France, le peuple n'a pas cessé d'employer l'occitan et au XIXe siècle, le gouvernement français a mis en place des mesures linguicides afin de maintenir la cohésion nationale, particulièrement importante en raison des conflits avec le voisin allemand. Ces mesures se sont révélées très efficaces puisque le nombre de locuteurs a drastiquement diminué.
Les régionalismes, espèce en voie d'extinction
Aujourd'hui, l'occitan est en net déclin et rares sont les jeunes à le parler. La situation est à ce point préoccupante que l'UNESCO classe l'occitan parmi les langues menacées de disparition bien qu'elle soit l'une des langues officielles de l'Espagne. Les locuteurs développent souvent un sentiment que les linguistes appellent la schizoglossie. Il s'agit d'une insécurité linguistique qui existe sur un territoire où deux langues sont parlées lorsque l'une d'elles est jugée incorrecte. Cette attitude envers la variante linguistique perçue comme incorrecte engendre un sentiment de honte chez le locuteur qui la parle.
Toutefois, l'occitan et ses dialectes ne sont pas les seuls à subir le jugement des locuteurs qui parlent la langue standard. Les dialectes qui faisaient partie de la langue d'oïl connaissent le même phénomène. Ainsi, certaines langues régionales du nord ne comptent déjà plus de locuteurs natifs, comme le gallo, par exemple, qui se parle en Bretagne, mais ne compte plus de locuteurs natifs depuis les années 1980.
Les langues régionales doivent-elles considérées comme DNR ?*
L'enjeu est important, car sans les langues régionales, c'est tout un pan de la culture française qui s'écroule. Il est déjà trop tard pour certaines langues régionales, je le crains, mais d'autres peuvent encore être sauvées. Pour éviter leur disparition, il convient de ne pas stigmatiser les locuteurs qui parlent un régionalisme. Une langue régionale est une langue qui ne s'est pas imposée, souvent pour des raisons politiques. Elles n'ont pas une valeur moindre par rapport à la langue standard. Pour leur redonner un regain de vitalité, il convient de laisser les enfants les apprendre et, bonne nouvelle, apprendre un dialecte a les mêmes effets sur le cerveau qu'apprendre n'importe quelle langue étrangère. Par ailleurs, les enfants qui apprennent un régionalisme en même temps que la langue standard profitent des mêmes avantages cognitifs que n'importe quel enfant bilingue.
Une bonne nouvelle nous est arrivée le 8 avril 2021 de l'Assemblée nationale : une proposition de loi visant à protéger les langues régionales a finalement été adoptée. Est-ce qu'à elle seule, elle changera la donne ? Seul l'avenir nous le dira.
Pour ma part, j'ai l'intention d'approfondir mes connaissances en wallon et en normand puisque je suis originaire de Normandie et de Wallonie. Et vous ? Quelle langue régionale souhaiteriez-vous promouvoir ?
*Do not ressusitate, ne pas ranimer